2023
Commentaire Paracha Noa’h par le Rabbin Lord Jonathan Sacks
Merci à notre amie Paule de nous avoir envoyée ce commentaire :
Il existe un Midrach obscure pour expliquer les paroles de D.ieu à Noa’h. D.ieu parla à Noa’h en ces termes : “Sors de l’arche” (Genèse 8:16). À ce propos le Midrach dit :
Lorsque la pluie cessa, Noa’h s’est dit: Puisque je suis entré dans l’arche avec la permission de D.ieu, puis-je en sortir sans Sa permission ? Le Saint, béni soit-Il, Lui a répondu : “Cherches tu une permission ? Dans ce cas, je te donne la permission.” Puis D.ieu dit à Noa’h : “Sors de l’arche.”
“Rabbi Yéouda bar Ilaï commente :
“Si j’avais été là, j’aurais brisé les portes de l’arche et j’en serais sorti.”
La leçon de ce Midrach est que lorsqu’il s’agit de reconstruire un monde brisé, on n’a pas besoin d’attendre une quelconque permission. D.ieu nous donne la permission. Il s’attend à ce qu’on avance. Rachi affirme que c’est la raison pour laquelle D.ieu a fondé le peuple juif non pas avec Noa’h mais avec Abraham. La Torah dit de Noa’h qu’il “se conduisit selon Dieu”. Mais D.ieu dit à Abraham “conduis toi à mon gré” (Genèse 17:1).
Lorsque j’ai appris ce Midrach, j’ai subitement compris qu’il s’agit d’une composante importante de ce que représente la foi dans le judaïsme, la foi d’avoir le courage d’être un pionnier, faire quelque chose de nouveau, emprunter le chemin moins parcouru, s’aventurer vers l’inconnu. C’est ce qu’Abraham et Sarah firent lorsqu’ils quittèrent leur terre, leur foyer, la maison de leur père, afin de se rendre en Israël. C’est ce que les Israélites firent à l’époque de Moïse lorsqu’ils vécurent dans le désert, guidés uniquement par des nuées le jour et par du feu le soir.
À l’ère moderne, en dépit du fait que la plupart des grands esprits juifs ont soit perdu ou abandonné leur foi, cet ancien réflexe a malgré tout survécu. Comment pouvons-nous comprendre autrement le phénomène d’une minuscule minorité d’Europe et des États-Unis capable de produire autant d’artisans de l’esprit moderne, chacun d’entre eux précurseur à sa façon.
La foi, c’est avoir le courage de prendre des risques. Ce principe de “marcher en avant”, cette idée que le Créateur attend de nous, Sa plus grande création, d’être créatif, est ce qui fait le caractère unique du judaïsme dans la haute valeur qu’il accorde à la personne et à la condition humaines.
La foi est le courage de prendre un risque pour D.ieu ou pour le peuple juif ; de commencer un voyage vers une destination éloignée, sachant qu’il y aura des épreuves en route, mais en ayant également à l’esprit que D.ieu est avec nous, nous prodiguant de la force si nous ajustons notre volonté à la Sienne. La foi n’est pas la certitude, mais le courage de vivre avec incertitude.
2022
Chabbat Chekalim
Exode 30, 11-16
La paracha Chekalim (qui est le début de la paracha Ki-Tissa) est lue le Chabbat qui précède ou qui tombe Roch ‘Hodech Adar. Elle rappelle la nécessité pour chacun de donner chaque année une pièce d’un demi-chékel pour l’entretien du Temple et l’achat des sacrifices communautaires.
Nous vous proposons ce commentaire de notre Amie Paula, fidèle de l’ULIF :
Le demi chekel pour le fonctionnement du Temple, D. a donné une mitsvah pour chaque Juif de contribuer par une pièce d’argent d’une valeur d’un demi chekel. Dans la vie d’un homme pratiquant, il doit obligatoirement également impliquer son argent. Mais l’argent est ce qui il y a de plus matériel possible au monde. La matérialité est-elle compatible avec la spiritualité ? A priori ces deux notions sont totalement antinomiques. Rien n’est plus contradictoire à la spiritualité que l’argent ! Le capitaliste peut-il éprouver quoi que ce soit de spirituel à travers son argent ? Certes, il peut être généreux, il peut contribuer pour des bonnes causes, donner la tsedaka, pour l’étude de la Torah, pour des nécessiteux, les pauvres et les orphelins, pour des hôpitaux. Ainsi, à travers ces actes il peut être pratiquant, mais est-ce que cela peut le rendre religieux, et ce, dans le sens le plus profond de ce terme ? Il est certainement significatif qu’ici la Torah confère explicitement un caractère sacré à cet argent en le qualifiant de chekel ha-kodech, « le chekel sacré » (Chemot, 30/13) ! Rav Yisraël de Salant a eu l’occasion d’affirmer concernant la mitsvah de tsedaka : la vie matérielle du pauvre constitue ma vie spirituelle. Mais, à juste titre, Moché a eu beaucoup de difficulté avec cette idée : comment faire pour que le don d’argent dépasse la dimension sociale pour véritablement devenir purement métaphysique ? Et ainsi il a éprouvé une difficulté majeure avec cette consigne, au point qu’il ne savait pas comment la réaliser. Là aussi, il a fallu la révélation directe et active de D. pour montrer à l’être terrestre comment la matière peut s’avérer la matrice d’une expérience spirituelle
il a donc fallu que D. rassure l’homme que la spiritualité dans ce monde relève d’une réalité, autant dans le domaine émotionnel, intellectuel que matériel.