Commentaire Paracha Noa’h par le Rabbin Lord Jonathan Sacks

Merci à notre amie Paule de nous avoir envoyée ce commentaire :

Il existe un Midrach obscure pour expliquer les paroles de D.ieu à Noa’h. D.ieu parla à Noa’h en ces termes : “Sors de l’arche” (Genèse 8:16). À ce propos le Midrach dit :

Lorsque la pluie cessa, Noa’h s’est dit: Puisque je suis entré dans l’arche avec la permission de D.ieu, puis-je en sortir sans Sa permission ? Le Saint, béni soit-Il, Lui a répondu : “Cherches tu une permission ? Dans ce cas, je te donne la permission.” Puis D.ieu dit à Noa’h : “Sors de l’arche.”

“Rabbi Yéouda bar Ilaï commente :

“Si j’avais été là, j’aurais brisé les portes de l’arche et j’en serais sorti.”

La leçon de ce Midrach est que lorsqu’il s’agit de reconstruire un monde brisé, on n’a pas besoin d’attendre une quelconque permission. D.ieu nous donne la permission. Il s’attend à ce qu’on avance. Rachi affirme que c’est la raison pour laquelle D.ieu a fondé le peuple juif non pas avec Noa’h mais avec Abraham. La Torah dit de Noa’h qu’il “se conduisit selon Dieu”. Mais D.ieu dit à Abraham “conduis toi à mon gré” (Genèse 17:1).

Lorsque j’ai appris ce Midrach, j’ai subitement compris qu’il s’agit d’une composante importante de ce que représente la foi dans le judaïsme, la foi d’avoir le courage d’être un pionnier, faire quelque chose de nouveau, emprunter le chemin moins parcouru, s’aventurer vers l’inconnu. C’est ce qu’Abraham et Sarah firent lorsqu’ils quittèrent leur terre, leur foyer, la maison de leur père, afin de se rendre en Israël. C’est ce que les Israélites firent à l’époque de Moïse lorsqu’ils vécurent dans le désert, guidés uniquement par des nuées le jour et par du feu le soir.

À l’ère moderne, en dépit du fait que la plupart des grands esprits juifs ont soit perdu ou abandonné leur foi, cet ancien réflexe a malgré tout survécu. Comment pouvons-nous comprendre autrement le phénomène d’une minuscule minorité d’Europe et des États-Unis capable de produire autant d’artisans de l’esprit moderne, chacun d’entre eux précurseur à sa façon.

La foi, c’est avoir le courage de prendre des risques. Ce principe de marcher en avant, cette idée que le Créateur attend de nous, Sa plus grande création, d’être créatif, est ce qui fait le caractère unique du judaïsme dans la haute valeur qu’il accorde à la personne et à la condition humaines.

La foi est le courage de prendre un risque pour D.ieu ou pour le peuple juif ; de commencer un voyage vers une destination éloignée, sachant qu’il y aura des épreuves en route, mais en ayant également à l’esprit que D.ieu est avec nous, nous prodiguant de la force si nous ajustons notre volonté à la Sienne. La foi n’est pas la certitude, mais le courage de vivre avec incertitude.