Stefan Zweig

22 février 1942 : 𝗜𝗹 𝘆 𝗮 𝟴𝟬 𝗱𝗶𝘀𝗽𝗮𝗿𝗮𝗶𝘀𝘀𝗮𝗶𝘁 𝗹’𝗲́𝗰𝗿𝗶𝘃𝗮𝗶𝗻 𝗷𝘂𝗶𝗳 𝗮𝘂𝘁𝗿𝗶𝗰𝗵𝗶𝗲𝗻 𝗦𝘁𝗲𝗳𝗮𝗻 𝗭𝘄𝗲𝗶𝗴.
Né en 1881 à Vienne, en Autriche, au sein d’une famille juive aisée d’origine morave, Stefan Zweig fut un écrivain majeur des années 1920-1930.
Et si la religion ne joua qu’un rôle mineur dans son éducation, il écrivit de façon récurrente sur des thématiques juives, tout en entretenant une étroite relation avec son contemporain, Théodore Herzl, connu comme « le père du Sionisme moderne ».
En 1934, au lendemain de la montée d’Hitler au pouvoir en Allemagne et après plusieurs vexations en lien avec ses origines juives, Stefan Zweig décide de quitter l’Autriche pour l’Angleterre, avant de rejoindre en 1940 les Etats-Unis, où sa condition germanique lui est reprochée. Il y effectue un court séjour, avant de finalement s’installer à Petrópolis, une colonie allemande sise dans la banlieue de Rio, au Brésil.
Démoralisés par la situation en Europe, lui et sa seconde épouse, Lotte, s’y suicident le 22 février 1942.
Dans son livre testament, « Le Monde d’hier. Souvenirs d’un Européen » (publ. posth.), Stefan Zweig se fait le chroniqueur de l’« âge d’or » de son continent d’origine, et analyse ce qu’il considère comme l’échec d’une civilisation brillante :
« 𝑁𝑒́ 𝑒𝑛 1881 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑢𝑛 𝑔𝑟𝑎𝑛𝑑 𝑒𝑡 𝑝𝑢𝑖𝑠𝑠𝑎𝑛𝑡 𝑒𝑚𝑝𝑖𝑟𝑒 […], 𝑖𝑙 𝑚’𝑎 𝑓𝑎𝑙𝑙𝑢 𝑙𝑒 𝑞𝑢𝑖𝑡𝑡𝑒𝑟 𝑐𝑜𝑚𝑚𝑒 𝑢𝑛 𝑐𝑟𝑖𝑚𝑖𝑛𝑒𝑙. 𝑀𝑜𝑛 œ𝑢𝑣𝑟𝑒 𝑙𝑖𝑡𝑡𝑒́𝑟𝑎𝑖𝑟𝑒, 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑠𝑎 𝑙𝑎𝑛𝑔𝑢𝑒 𝑜𝑟𝑖𝑔𝑖𝑛𝑎𝑙𝑒, 𝑎 𝑒́𝑡𝑒́ 𝑟𝑒́𝑑𝑢𝑖𝑡𝑒 𝑒𝑛 𝑐𝑒𝑛𝑑𝑟𝑒𝑠 [allusion aux autodafés organisés par les nazis à Berlin en 1933]. 𝐸́𝑡𝑟𝑎𝑛𝑔𝑒𝑟 𝑝𝑎𝑟𝑡𝑜𝑢𝑡, 𝑙’𝐸𝑢𝑟𝑜𝑝𝑒 𝑒𝑠𝑡 𝑝𝑒𝑟𝑑𝑢𝑒 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑚𝑜𝑖… 𝐽’𝑎𝑖 𝑒́𝑡𝑒́ 𝑙𝑒 𝑡𝑒́𝑚𝑜𝑖𝑛 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑝𝑙𝑢𝑠 𝑒𝑓𝑓𝑟𝑜𝑦𝑎𝑏𝑙𝑒 𝑑𝑒́𝑓𝑎𝑖𝑡𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑟𝑎𝑖𝑠𝑜𝑛 […]. 𝐶𝑒𝑡𝑡𝑒 𝑝𝑒𝑠𝑡𝑖𝑙𝑒𝑛𝑐𝑒 𝑑𝑒𝑠 𝑝𝑒𝑠𝑡𝑖𝑙𝑒𝑛𝑐𝑒𝑠, 𝑙𝑒 𝑛𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑎𝑙𝑖𝑠𝑚𝑒, 𝑎 𝑒𝑚𝑝𝑜𝑖𝑠𝑜𝑛𝑛𝑒́ 𝑙𝑎 𝑓𝑙𝑒𝑢𝑟 𝑑𝑒 𝑛𝑜𝑡𝑟𝑒 𝑐𝑢𝑙𝑡𝑢𝑟𝑒 𝑒𝑢𝑟𝑜𝑝𝑒́𝑒𝑛𝑛𝑒 »
#Anecdote : son œuvre la plus célèbre, « Le Joueur d’échecs », a été écrite peu avant la mort de son auteur et publiée à titre posthume.
Dans sa vie, Stefan Zweig aura écrit quarante-trois récits ou nouvelles et deux romans, dont l’un est resté inachevé.

Stefan Zweig à Vienne, vers 1900, par Salon Pictzner. Détail d'une photo plus large avec son frère Alfred. Crédit : Wikimedia Commons
Stefan Zweig, au début des années 1940. Crédit : Fundo Correio da Manhã (Arquivo Nacional), Brésil
Stefan Zweig, Le Joueur d'échecs. “Schachnovelle”, en allemand, est une nouvelle écrite au Brésil par l’auteur durant les quatre derniers mois de sa vie, de novembre 1941 à février 1942. Publiée en 1943 et traduite en français en 1944, cette oeuvre reste, à ce jour, l'une des plus célèbres de l'écrivain autrichien. Le Joueur d'échecs est devenu un véritable bestseller en Allemagne, avec plus de 1,2 million d'exemplaires vendus.
Stefan Zweig, Le Monde d'hier. Souvenirs d'un Européen - autobiographie (Die Welt von Gestern - Erinnerungen eines Europäers, 1942, publ. posth. 1944 - traduction nouvelle de Serge Niémetz, éditions Belfond 1993) ; Zweig commença à l’écrire en 1934 ; il posta à l’éditeur le manuscrit, tapé par sa seconde femme, un jour avant leur suicide. Le livre de Poche, 1996.
« Casa Stefan Zweig », la maison où a vécu ses dernières années l'écrivain autrichien Stefan Zweig (1881-1942). Petropolis, Brésil. Crédit : Andreas Maislinger, 2007, via Wikipedia.org
Entrefilet du journal collaborateur “Le Petit Parisien”, où Stefan Zweig est présenté comme un « écrivain juif ». Sur la même page, figure un article reprenant un discours d'Adolf Hitler expliquant que « Les juifs seront exterminés », 26 février 1942. Crédit : Dominique Natanson, Wikimedia Commons
Lettre d'adieu de Stefan Zweig, Petrópolis, 22 février 1942, datée du jour du suicide de l'écrivain. Crédit : Bibliothèque nationale d'Israël

Lettre d’adieu de Stefan Zweig, Petrópolis, 22 février 1942, datée du jour du suicide de l’écrivain.

« Avant de quitter la vie de ma propre volonté et avec ma lucidité, j’éprouve le besoin de remplir un dernier devoir : adresser de profonds remerciements au Brésil, ce merveilleux pays qui m’a procuré, ainsi qu’à mon travail, un repos si amical et si hospitalier. De jour en jour, j’ai appris à l’aimer davantage et nulle part ailleurs je n’aurais préféré édifier une nouvelle existence, maintenant que le monde de mon langage a disparu pour moi et que ma patrie spirituelle, l’Europe, s’est détruite elle-même.
Mais à soixante ans passés il faudrait avoir des forces particulières pour recommencer sa vie de fond en comble. Et les miennes sont épuisées par les longues années d’errance. Aussi, je pense qu’il vaut mieux mettre fin à temps, et la tête haute, à une existence où le travail intellectuel a toujours été la joie la plus pure et la liberté individuelle le bien suprême de ce monde.
Je salue tous mes amis. Puissent-ils voir encore l’aurore après la longue nuit ! Moi je suis trop impatient, je pars avant eux » (trad. Laurence Baïdemir)

Article  du très bon site Patrimoine et culture du Judaïsme – The Jewish heritage site, par Emmanuel Attyasse.

Laurent Hajdenberg – ULIF Marseille – février 2022